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Reflets du Cosmos dans l'encrier...

Réflexions, pensées, contes, nouvelles et romans...

Relier ou isoler les hommes ?

Le Minitel en 1980, la visio-conférence aujourd'hui... Pareillement coupables ou totalement différents ?

Le Minitel en 1980, la visio-conférence aujourd'hui... Pareillement coupables ou totalement différents ?

En 1980, nous commencions à peine à tapoter sur les claviers de nos Minitels, et nous n’étions même pas agacés lorsque les images pixelisées à l’extrême mettaient un certain temps (fort variable d’ailleurs) à s’afficher ligne par ligne sur notre petit écran à peine plus grand qu’un timbre-poste.

 

Mais voilà, c’en était fait, tout était presque joué d’avance : nous venions d’entrer dans la télématique, dans le monde de demain. Avions-nous conscience, alors, de ce que ce mode de communication encore balbutiant allait, à terme, apporter dans nos vies ? Pas si sûr.

 

Quoi qu’il en soit, certains avaient eu assez de flair pour imaginer les travers dans lesquels nous risquions tomber, et avaient lancé de petites alertes, diversement accueillies, d’ailleurs.

 

J’étais alors en classe de Première, et notre professeur de Français, un délicieux et fort respectable enseignant qui flirtait avec l’âge de la retraite et la prit d’ailleurs dès que l’âge légal en eut été modifié, nous avait soumis un article extrait du quotidien « Le Monde » qui m’avait fait grande impression.

 

J’ai conservé ce document, mais son état m’interdit de vous le livrer tel quel. J’ai donc pris le temps de reconstituer la feuille (prête à tomber en miettes, pliée en deux dans mon exemplaire du « XIXème siècle » de Lagarde & Michard (les plus anciens s’en souviendront…) pour livrer le sujet sur lequel nous avions dû composer.

 

Avec notre expérience actuelle, nous pouvons sans nul doute affirmer qu’au contraire, le numérique a permis à bon nombre d’entre nous de surmonter l’épreuve du confinement. Si vous n’en êtes pas convaincus, essayez d’imaginer ce qu’auraient été ces longues semaines d’isolement en 1980, sans la possibilité de télé-travailler pour certains, d’échanger avec leurs proches par écran interposé pour d’autres, avec pour seule distraction trois chaînes de télévision dont les programmes s’achevaient à la louche vers 23h30 et sans même un magnétoscope (déjà inventé mais hors de prix) ?

 

Mais tout de même, l’analyse que notre professeur nous avait proposée n’est pas inintéressante.

En voici le sujet : 

 

 

Contraction ou Analyse

Classe de 1ère

 

Sujet : LA TÉLÉMATIQUE ISOLERA DAVANTAGE L’INDIVIDU

Jusqu’à présent, la télévision, la radio, les journaux se sont contentés de nous définir la télématique comme « le mariage de la télévision, de l’ordinateur et du téléphone ». On nous explique le fonctionnement et on nous chante les louanges de cette merveilleuse invention. Quelle joie que d’être en mesure de se renseigner sur les horaires des trains, réserver ses places de théâtre, obtenir le numéro d’un abonné, passer ses commandes auprès des magasins de vente par correspondance, sans avoir à se déplacer, en évitant les lignes encombrées et les mille et une tracasseries inutiles de la vie quotidienne ! Quel gain de temps ! Que dire encore du télécopieur, autre application de la télématique, qui permettra aux usagers la transmission de lettres ou autres documents au prix d’une communication téléphonique sans l’intermédiaire de la boîte aux lettres.

 

Bien sûr, on évoque les suppressions d’emplois et les restructurations mais on ne pose pas la question fondamentale, celle de l’homme. La finalité du progrès n’est-elle pas, ou ne devrait-elle pas être, le plus grand bonheur, ou pour être plus modeste, le plus grand bien-être de l’homme ?

 

Mariage de l’ordinateur, du téléphone et de la télévision, nous dit-on. L’ordinateur, s’il facilite et accélère la recherche des informations, a indexé, fiché, numéroté l’individu, a, somme toute, restreint la liberté individuelle par la centralisation à laquelle il aboutit, en resserrant autour de chacun les mailles d’un filet au travers desquelles il ne peut même plus se faufiler. Le téléphone, en rendant la communication facile et rapide, l’a, simultanément, rendue superficielle…

 

La télévision, en pénétrant dans les foyers, uniformise les loisirs, standardise la pensée, transforme l’individu en récepteur passif et tue l’échange.

 

Le mariage dont nous parlions sera-t-il heureux ? Il est permis d’en douter. La télématique ne va contribuer qu’à isoler un peu plus l’individu. Enfermé au bureau puis dans son appartement, l’être humain sera relié au monde par des boutons et le monde lui apparaîtra sur des écrans. Peut-être l’homme de l’an 2000 en perdra-t-il l’usage de la parole, car la communication, c’est avant tout, non seulement l’échange, mais aussi l’échange direct. L’homme a besoin de parler à l’autre, il a besoin que l’autre lui parle, il a besoin de sentir la présence et la chaleur de l’autre. Or, la télématique, placera des écrans dans la vie de l’homme qui seront autant de murs l’enfermant dans une prison où il occupera seul sa cellule. Et aujourd’hui on prétend que ces murs que l’on dresse seront libérateurs !

 

Une des racines du mal, dans la crise de société que traverse le monde occidental, c’est le manque de communication. Dans une société hiérarchisée et spécialisée où l’individu n’est qu’un des rouages du système, le courant ne passe plus entre les rouages, et la machine se détraque. La télématique, c’est le progrès de la technologie, non le progrès de l’homme, non la progression vers un plus grand épanouissement. L’expérience ne nous a-t-elle pas abondamment démontré que les deux formes de progrès ne sont pas nécessairement liées ? Il semble que nous ayons encore besoin de quelques leçons. En cloisonnant encore plus les individus tout en améliorant les communications, la télématique tue la communication. L’homme qui télé-communiquera ne saura bientôt plus communiquer.

 

Corinne Zylberberg, « Le Monde », 25 septembre 1979

 

Vous ferez à votre choix de ce texte, soit un résumé qui respecte l’ordre suivi par l’auteur, soit une analyse qui dégage les différents thèmes en en soulignant l’enchaînement et l’importance relative.

Vous retiendrez ensuite, parmi les opinions exprimées dans ce texte, celle qui vous aura le plus intéressé, vous la commenterez et la discuterez s’il y a lieu, en justifiant, par des exemples de votre choix, vos propres vues de la question.

 

Alors, la question se pose-t-elle toujours de la même façon ? Peut-être pour ce qui est de l’aspect superficiel des amitiés virtuelles, mais celui qui est le plus isolé, aujourd’hui, n’est-il pas, justement, celui qui est éloigné des écrans ?

À vos claviers, prêts, dissertez, vous avez quatre heures !

 

Pour la bande originale de l’article, c’est ici…

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J
Pour vous faciliter dans l'approche d'une vision sans communication électronique ci-dessous le lien de l'interview de cette jeune Bulgare Ivanova Hristiana.19 ans à l'époque du reportage.....bonne lecture....Jean Claude <br /> https://www.courrierinternational.com/article/2010/10/20/vivre-sans-ordinateur
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J
Voilà un sujet qui devrait faire débat tout en respectant les avis des uns et des autres....je ne mettrai pas 4H pour une analyse sur ce sujet car pour moi on peut très bien se passer de tout ça, mais la technologie d'aujourd'hui est une vocation pour certains à gagner beaucoup d'argent.....je prendrai comme exemple et vous invite ainsi que toi Hélène, à découvrir cette jeune Bulgare de 19 ans Hristiana Ivanova qui raconte parfaitement son quotidien en se passant de communication électronique.....cela devrait vous aider peut-être à voir autrement votre façon de vivre en reprenant des fondamentaux d'éducation à mon sens oubliés chez pas mal de personnes........et pour beaucoup moins de stres. Jean Claude
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