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Reflets du Cosmos dans l'encrier...

Réflexions, pensées, contes, nouvelles et romans...

De l'influence d'une mouette dans l'Histoire contemporaine

De l'influence d'une mouette dans l'Histoire contemporaine

Tout pousse, dans l’actualité, à réfléchir sur le rôle et l’influence des femmes dans l’Histoire.

Attention, il n’est pas question ici de débattre de l’importance de l’influence de telle ou telle marquise ou comtesse sur tel ou tel Roi de France, mais plutôt de s’interroger sur la façon dont les femmes sont parvenues à s’imposer dans certains domaines, et quelle est aujourd’hui leur influence après avoir emprunté cet ascenseur social.

En l’occurrence, mon propos porte aujourd’hui sur Valentina Tereshkova.

Sans parodier le grand Charles Aznavour, il faut avouer que c’est un nom que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître, ou si peu : c’est à peine s’ils en ont vaguement entendu parler dans leurs cours d’Histoire, puisque, justement, nous n’en sommes pas encore au point où la conquête de l’espace pourrait représenter un chapitre aussi important à étudier au collège que la découverte de l’Amérique.

Qui était Valentina Tereshkova ? Grande question, tant le personnage est complexe.

En un mot, pour satisfaire les curiosités les plus vives, on pourrait résumer son cas à une phrase simpliste : «C’est la première femme à avoir effectué un vol spatial». Explication pour le moins lapidaire, qui ne détaille ni son parcours ni son devenir, mais a le mérite de bien situer les choses.

Partons en flash-back dans les années soixante…

À cette époque, les Américains venaient de se faire griller la politesse par les Soviétiques : Alan Shepard n’a été que le deuxième homme à voyager dans l’espace puisque son vol, initialement prévu en décembre 1960, n’a finalement été réalisé qu’en mai 1961. Les difficultés de mise au point de la fusée Redstone qui devait le transporter, ainsi que celle de la capsule Mercury qui devait l’abriter sont d’ailleurs assez bien rendues dans l’excellent film de Philip Kaufman (d’après le roman de Tom Wolfe) «L’étoffe des Héros». Pour un peu, ce serait même un des passages prêtant le plus à rire dans ce long métrage…

En attendant, l’affaire n’avait pas fait rire du tout ledit Shepard, qui avait paraît-il assez violemment manifesté sa colère en apprenant qu'il venait de se faire doubler par Youri Gagarine.

Bref, si Alan Shepard n’a pas été le premier homme dans l’espace, il n’a pas non plus été le premier Américain en orbite (sa trajectoire est demeurée suborbitale), l’honneur revenant à John Glenn, qui n’a décollé que le 20 février 1962. Au passage, Glenn a même éclipsé le deuxième américain dans l’espace suborbital, à savoir Virgil Grissom, dont le retour chaotique sur Terre n’avait guère contribué à la gloire.

Il est évident qu’à ce moment, le vol spatial était une affaire d’hommes. S’il y avait eu 13 candidates retenues lors des sélections américaines pour le programme Mercury, et si elles remplissaient toutes les conditions physiologiques et physiques exigées de leurs homologues masculins, les responsables de la NASA avaient alors considéré que le vol spatial devait être réservé à des pilotes de chasse, parmi lesquels on ne comptait aucune femme.

Et voilà comment un simple critère de sélection a permis à l’Union Soviétique de remporter également le titre féminin dans la course à l’espace balbutiante…

En fait, la première femme à accomplir un vol spatial n’avait rien d’un génie de la physique ou de l’astronautique.

Issue d’une famille plutôt modeste, son père, dont la profession de conducteur de tracteur dans un kolkhoz l’avait amené à être enrôlé dans l’armée aux commandes d’un char est tué au combat alors qu’elle n’avait pas encore 3 ans, et sa mère, pour subvenir aux besoins de ses trois enfants, n’eut d’autre recours que trouver un emploi dans une filature. Autant dire que la petite Valentina, qui n’avait pas fait preuve d’un génie particulier à l’école, n’avait guère les bonnes cartes en main. Sa scolarité s’étant donc arrêtée à 17 ans, la voilà devenue ouvrière dans une usine de pneumatiques, avant de rejoindre sa mère et sa sœur dans leur filature de coton.

Nous sommes encore loin d’un vol orbital…

C’est là que le chemin commence à bifurquer. D’abord, la jeune Valentina parvient tout de même, après avoir suivi des cours par correspondance, à décrocher un diplôme d’une école technique industrielle, et, parallèlement, elle se lance fort discrètement dans le parachutisme, discipline pour laquelle elle révèle de belles aptitudes, au point d’atteindre en deux ans un excellent niveau. Ajoutons à cela son adhésion à l’organisation de la jeunesse communiste soviétique, et la mayonnaise commence à prendre. Son adhésion au parti communiste en 1962 parachèvera son CV.

Simultanément, le responsable de l’entraînement des cosmonautes s’étant soudain avisé qu’il ne serait pas mauvais, après avoir remporté le titre masculin, de profiter de la carence américaine dans le domaine pour leur piquer également la couronne féminine, proposa à ses supérieurs de réaliser une mission féminine. C’est là que les critères initialement retenus (être pilote) étant jugés trop restrictifs, les candidatures féminines furent choisies parmi les femmes parachutistes, nettement plus nombreuses. Et voilà comment cinq femmes furent retenues dans la vague de recrutement de cosmonautes de 1962 qui comptait une soixantaine de nouveaux éléments.

Valentina Tereshkova faisait partie des 58 candidates retenues en présélection, mais elle était loin d’être favorite. Ce qui l’a sauvée, à l’époque, n’est rien d’autre que le critère sociologique et idéologique : prolétarienne membre du parti communiste, elle cochait toutes les cases. La voilà donc en short-list, avec quatre consœurs…

Passons sur l’entraînement spartiate que suivirent ces cinq femmes, qui ont au passage été intégrées dans le corps de l’armée soviétique et ont également suivi des cours en astronautique. Ce qui a fait la différence, finalement, et a conduit Tereshkova en orbite terrestre, c’est à la fois l’avis de Youri Gagarine en personne, qui la considérait comme très douée et dotée d’une grande force de caractère joliment dissimulée par une grande modestie, et celui du responsable du centre d’entraînement des cosmonautes, qui jugea que les résultats de sa rivale, s’ils étaient meilleurs que ceux de Tereshkova, étaient entachés par le sentiment de supériorité qu’elle affichait, et son peu d’aptitude à la communication.

La meilleure sur le papier a donc été placée en situation de remplaçante au vu de ses compétences sociales. La suite de l’aventure prouvera que ce critère de sélection n’a pas seulement été appliqué aux femmes, mais ceci est une autre histoire…

Voilà donc Valentina Tereshkova satellisée sous le code de «Tchaïka» (la mouette), sobriquet qu’elle conserve encore aujourd’hui, et malgré ses performances peu probantes à bord, également auréolée d’une gloire internationale, symbolisant l’égalité entre les hommes et les femmes. Notons qu’à ce jour, elle demeure la seule femme à avoir opéré un vol en solo. Il y a peu de chances que cela change un jour, puisque les équipages, de nos jours, comptent toujours au moins deux membres.

Avec Angela Davis en 1972

Mais ni Youri Gagarine, ni Valentina Tereshkova ne repartiront jamais dans l’espace, et la disparition de Gagarine, au cours d’un vol d’entraînement sur un Mig, n’arrangea pas les choses : il était inconcevable de perdre un deuxième héros, donc voilà la mouette également interdite de pilotage et de parachutisme alors qu’elle espérait figurer aux rangs d’une éventuelle mission soviétique lunaire.

Pour couronner le tout, le corps des cosmonautes féminines fut dissout en 1968, et la profession de cosmonaute interdite aux femmes jusqu’en 1978. Là encore, ceci est une autre histoire.

La suite de la carrière de Valentina Tereshkova n’est pourtant pas négligeable : elle a obtenu un doctorat en ingénierie aéronautique, et a figuré au rang des instructeurs des cosmonautes avant, ayant atteint l’âge requis, d’être mise en retraite.

De l’espace à la représentation politique, il semblerait qu’il n’y ait qu’un pas.

Avec Vladimir Poutine en 2000

Passons sur les différents titres et mandats qu’elle cumula depuis 1966, pour considérer un seul élément, assez récent. Élue depuis 2011 à la Douma de Russie sous l’étiquette du parti de Vladimir Poutine, elle a plaidé, le 10 mars 2020, pour la modification de la constitution russe afin de permettre l’augmentation du nombre de mandats successifs que pourrait exercer le Président de la Russie.

On ne mesure pas l’influence que l’on pourra avoir sur l’Histoire mondiale quand on débute à 17 ans comme ouvrière dans une usine de pneumatiques.

Si vous cherchiez à savoir comment le Président Russe a aujourd’hui toutes les portes ouvertes pour garantir son maintien au pouvoir jusqu’en 2036, vous avez la réponse : il n’a pas été aidé par le battement d’aile d’un papillon capable de changer l’Histoire, mais par celui d’une mouette…

Pour la bande originale du jour, c'est ici.

 

 

 

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E
Oh mais Hélène, cette page est palpitante, extrêmement instructive et magistralement contée!<br /> Merci beaucoup pour ce talent narratif et le contenu dont j'ignorais tout.<br /> Cette page augure bien de la suite que tu vas donner à ces sujets.
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