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Reflets du Cosmos dans l'encrier...

Réflexions, pensées, contes, nouvelles et romans...

L’essor de la technophobie postmoderne ou l’angoisse par ignorance.

L’essor de la technophobie postmoderne ou l’angoisse par ignorance.

Il fut un temps pas si lointain où l’humanité avait foi dans la science, et où les enfants, lorsqu’on les questionnait sur le futur, rêvaient de voitures volantes, et surtout d’un monde dans lequel la maladie aurait disparu parce que les scientifiques auraient trouvé le moyen de vaincre tous les fléaux dont l’humanité a pu être accablée tout au long des siècles.

Mais cela, c’était avant.

livre de 3ème, éditions Hatier (1974)

«Avant», c’était à l’époque où on pouvait encore instruire les collégiens de l’historique des vaccins et leur raconter les premières tentatives d’immunisation contre la variole, sans provoquer de réaction négative de parents «anti-vaccin» ou sans que les théories exprimées ne déclenchent un violent débat dans sa classe. Aujourd’hui, le professeur de SVT qui tente d’expliquer l’intérêt de la pratique de la vaccination risque de déclencher une polémique encore plus vive que celle qui fut à l’origine de la guerre entre Lilliput et Blefuscu, lorsqu’il s’était agit de décider, à en croire le conte de Jonathan Swift, si l’ouverture d’un œuf à la coque devait se faire par le gros ou par le petit bout…

 

Les livres de classe des années 70 ne laissent pas de part à l’ambiguïté : les illustrations sont parlantes, et il ne serait venu à l’idée d’aucun élève de contester le bienfondé de ce qu’on leur apprenait. Si par hasard certains avaient quelques doutes (probablement entretenus au sein de leur famille) sur les propos de l’enseignant, ils préféraient alors les taire plutôt que passer pour d’infâmes obscurantistes aux yeux de leurs petits camarades.

Au vu des risques encourus par l’ensemble de l’Humanité à moyen ou long terme du fait d’une continuelle montée en puissance d’un front «anti-vaccin», il est peut-être temps de s’interroger sur les dégâts causés par certains films ou certaines séries télévisées. Ceux-ci, pour être extrêmement réussis, n’en ont pas moins eu des effets dévastateurs parmi les esprits les plus faibles ou les moins structurés, les moins accompagnés dans la conquête du savoir, voire parmi les adeptes d’un retour effréné au «tout naturel».

Dès 1994, au tout début de la diffusion de la (remarquable) série «X-Files» sur M6, le côté complotiste de l’intrigue, dans laquelle se mêlent indistinctement guerre froide, conspirations diverses, manipulations génétiques, menaces d’invasion extra-terrestre et mise en cause d’une ancienne campagne de vaccination contre la variole, avait de quoi alerter les esprits cartésiens. Les choses ne se sont pas arrangées depuis, avec entre autres le très réussi «I am a legend» (2007), mettant en vedette Will Smith, dans lequel un virus créé de la main de l’Homme a dévasté l’humanité. Cette version-là n’est que la troisième, après «The last man on Earth» (1964) et «The Omega Man» (1971), tous ces films étaient des adaptations du très réussi roman de Richard Matheson, mais sans doute le film de 2007 a-t-il eu un écho plus important parce que les esprits avaient été longuement préparés à «ne faire confiance à personne»…

On pourrait compléter cette liste de toute une kyrielle de séries et de films du même genre, et on ne mesure pas suffisamment l’impact de la pop-culture dans la formation de l’esprit scientifique, voire dans la formation de l’esprit tout court.

À force de films et de séries tous plus alarmistes les uns que les autres, et ce en dépit de leurs qualités artistiques de mise en scène ou de jeu des acteurs pour le moins talentueux, l’image du scientifique, du chercheur, de celui qui ose arpenter des chemins nouveaux s’est peu à peu dégradée dans l’esprit des masses populaires qui ont de plus en plus de difficulté à différencier la fiction de la réalité. Dans la plupart des scénarios, le chercheur, qu’il soit physicien, chimiste ou biologiste, parfois médecin, ne brille guère positivement. Il est en général dépeint sous les traits d’un véritable Docteur Folamour, dont les expériences ne conduiront à rien d’autre qu’à l’effondrement de l’Humanité. À croire que l'éthique scientifique est une notion qui échappe au plus grand nombre. Et l’on se demande encore pour quelle raison, à présent, on assiste à la montée en puissance d’une forme de défiance vis-à-vis de tout ce qui émane d’esprits innovants, de tout ce qui relève de la science et de l’évolution de la connaissance, en particulier lorsque cette science touche à la biotechnologie.

Il serait temps que l’imagination des scénaristes aille faire sa moisson ailleurs que dans les prés sombres où poussent les angoisses technophobes de la postmodernité. Il est plus que compliqué, aujourd’hui, de trouver un film qui nous présente la recherche sous un aspect positif, et il devient urgent d’inverser la tendance.

En ne distillant que des informations parcellaires, les grands canaux d’information, aujourd’hui, font le lit de la suspicion. Il n’est pas étonnant que cette méfiance soit en progrès constant depuis la disparition des grandes émissions scientifiques qui faisaient autrefois les belles soirées de la télévision à l’époque où il n’y avait encore que trois chaînes. «Planète Bleue» et «Objectif Demain», entre autres, répondaient aux questions que se posaient les moins instruits en mettant la science à leur portée, mais ne dénaturaient pas le sujet traité et ouvraient l’esprit des plus jeunes chez lesquels elles ont même parfois suscité des vocations. Sauf erreur, le service public, du moins en France, ne nous offre pas l’équivalent aujourd’hui, de peur, sans doute, d’enregistrer une chute de l’audimat, et il serait sans doute compliqué, de nos jours, de citer le nom d'un journaliste scientifique aussi connu qu'ont pu l'être Albert Ducrocq ou, dans une moindre mesure, Laurent Broomhead, pour ne citer qu'eux.

Il a fallu moins d’une génération pour que cette friche intellectuelle médiatique fasse des dégâts. La résistance aux vaccins davantage fondée sur des croyances et superstitions que sur une véritable connaissance du sujet a déjà permis la réapparition de maladies que l’on croyait presque oubliées dans nos sociétés modernes. Certains trouvent encore très drôle qu’une partie de la population soit persuadée que la Terre est plate, s’étonnant simplement que la proportion de «platistes» soit plus importante aujourd’hui qu’au milieu du siècle dernier.

J’ai du mal à trouver ce constat amusant : ce n’est rien d’autre qu’une nouvelle preuve de la montée d’un obscurantisme qui n’augure rien de bon.

Une exception, tout de même : ceux qui honnissent tout ce qui est scientifique seraient paradoxalement prêts à tout pour se procurer le dernier smartphone à la mode. Mais «ce n’est pas pareil», répliquent-ils quand on les place devant leurs propres contradictions. Le technophobe postmoderne a l’angoisse sélective…

Combien de temps faudra-t-il, dès lors que l’on recommencera à présenter les avancées scientifiques sous un jour plus positif et attractif, pour que la machine s’inverse ?

La bande originale de l'article, c'est iciQui se souvient de cette émission mensuelle ?

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S
Rubycon - Tangerine Dream... toujours aussi planant... merci Hélène... j'ai à nouveau 20 ans !
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H
De rien Marie-Jeanne...<br /> Cela me rajeunit aussi !